• IRELP/ Liaisons N°10, 24 février 2021

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    Liaisons  N°10, 24 février 2021

     

     

     

    Cette livraison de « Liaisons » revêt un caractère particulier car nous publions deux textes ; le premier revient sur des débats en cours ; le second, de Sylvie Brodziak membre du CA de l’IRELP, continue la réflexion sur Mémoire et Histoire. Car notre lettre se veut l’expression collective d’une réflexion en cours.

    1) « Audiatur et altera pars » -  Principe de droit

    L’IRELP ne s’est pas exprimé jusqu’à maintenant sur l’attitude de Frédérique Vidal relative à « l’islamo-gauchisme ».

    Plusieurs raisons convergentes à cela.


    D’abord, le communiqué de la FNLP nous semble excellent. Il reste sur un terrain de principes : la défense des libertés académiques. Pourquoi dire de manière affaiblie ce qui a été dit de manière forte ?


    D’autre part, la colère du monde universitaire, incluant la Conférence des Présidents mais excluant le CNRS, a été forte. Là aussi, nous risquions d’affaiblir les positions.


    Ensuite, la prise de position des chiens de garde Gilles Kepel, Pierre Nora, Jacques Julliard, Luc Ferry et autres Catherine Kinztler (Le Monde du 24 février) est éclairante. Ils affirment (entre autres) « Il y a bel et bien un problème dans l’enceinte universitaire, mais ce n’est pas tant celui de l’« islamo-gauchisme » que celui, plus généralement, du dévoiement militant de l’enseignement et de la recherche ».
    C’est assez freudien. On parle d’un sujet et quand l’interlocuteur se récrie, on affirme « en fait, non, on parle d’autre chose ». C’est le chaudron rendu intact alors qu’il est défectueux… L’essentiel est d’accuser. Islamo-gauchisme ? non. En fait, il s’agit d’un dévoiement militant.


    Le fond de l’argumentation est la rhétorique de tous les procureurs, et pas seulement staliniens, du monde : « il n’y a pas de fumée sans feu ». Tu es accusé, tu es donc coupable. Coupable de quoi ? L’accusation le démontrera.
    Quant au « dévoiement militant de la recherche », qui sont ces virginales vestales indignées ?


    Jacques Julliard ? Membre du bureau confédéral CFDT de 1967 à 1976. Pas du tout militant.
    Pierre Nora ? Il a tout fait pour que ne soit pas publié en 1997 « L’âge des extrêmes » de Eric Hobsbawn en raison de l'« attachement à la cause révolutionnaire » de son auteur. Serge Halimi accuse Pierre Nora à ce propos de « maccarthysme éditorial ». Reconnaissons-lui une continuité dans le maccarthysme. Il n’est pas certain que cela constitue une qualité…
    Catherine Kintzler ? Ses prises de position publiques et fréquentes sont l’expression de son engagement et de sa proximité avec les réactionnaires se qualifiant de « laïques ». Qu’elle s’exprime fait partie du débat mais qu’elle n’interdise pas aux autres de s’exprimer.
    Luc Ferry ? Il faut certainement citer sa principale contribution au débat idéologique contemporain quand il appelait à l’utilisation de l’armée contre les manifestations de 2019.
    Gilles Kepel ? Son aversion envers ceux qui ne pensent pas comme lui est-elle le produit d’une mégalomanie galopante ou d’un militantisme mal assuré ? Que Kepel signe un texte s’en prenant au « dévoiement » en général est, surtout, l’indication de la mauvaise santé intellectuelle de ce monde.
    Et Pierre-André Taguieff ? Pas du tout militant… Que les partis ou regroupements ô combien différents qu’il a démarchés n’aient pas trouvé grâce à ses yeux est une chose ; qu’il ne soit pas militant, en est une toute autre…

     

    Leur logique est simple : quand j’affirme, c’est de la science ; quand tu affirmes, c’est du militantisme voire de l’islamo-gauchisme.
    En un mot, eux ont tous les droits.
    Totalitaires.


    La dernière raison de notre position est, à notre sens, une énorme erreur de perspective sur les broncas qui ont suivie la position de Frédérique Vidal.
    La situation désespérée y compris physiquement du monde universitaire, plus particulièrement des étudiantes et des étudiants (dépressions, pertes des boulots d’appoint, faim, isolement, suicides, absence de perspectives etc.) a indigné bien au-delà des personnes concernées. On a de l’argent pour bombarder le Mali, pas pour protéger les étudiants.


    Le responsable au premier chef est Emmanuel Macron.


    En bon hypocrite, il a trouvé un bouc émissaire : Frédérique Vidal.
    Il a toujours procédé ainsi (de François de Rugy parce qu’il lui fallait des écolos plus représentatifs, Jean-Paul Delevoye parce qu’il bloquait la pseudo concertation sur les retraites etc.).
    Aux échecs, cela s’appelle un gambit, le sacrifice d’une pièce mineure pour dégager le jeu.
    Du coup, tous les macronistes divers lui emboitent le pas (sauf Jean-Michel Blanquer qui est à la compréhension de la politique ce que Raymond Domenech est à l’équipe de France de football).
    Prochain remaniement (ou démission ?) : « Vidal paye sa mauvaise gestion de la situation étudiante » ; sous-entendu, heureusement que E. Macron était là. Pensons à 2022.
    Ne soyons pas dupes de ce qui se dit à propos de Frédérique Vidal et ne confondons pas la colère des universitaires et des étudiant(e)s avec des discours de circonstance.
    Raison garder. Toujours.


    Jean-Marc Schiappa

    2) Sur Histoire et Mémoire

    En effet, célébrer un événement est ne lire et n’interpréter le fait historique que d’un côté, à savoir celui du dominant qui revendique l’éclat exceptionnel du fait. La célébration a souvent un caractère louangeur et solennel. Mais surtout elle induit d’organiser et de présenter la mémoire dans une certaine perspective, selon un certain sens. En l’occurrence, Amédée et son père ne trient pas de la même façon les faits, ils n’écrivent pas de façon identique les secousses,  les traumatismes de l’Histoire : l’un a un point de vue de dominant et l’autre de dominé tout en s’accordant l’un et l’autre sur la culpabilité et l’ingratitude de la France.


    Paradoxalement, tous deux ont inachevé leur travail de mémoire. Or le consensus sur le souvenir est aussi indispensable à la célébration joyeuse qu’au rassemblement douloureux. De fait, en 1935, la célébration fondée sur le malentendu a ravivé la guerre des mémoires.


    Qu’en aurait-il été si l’on avait choisi la commémoration ? Si l’on n’avait que rappelé ? Cela aurait-il engendré une manifestation plus pacifiée ? Peut-être, si l’on considère que commémorer n’est pas rendre hommage mais porter connaissance aux yeux de tous du fait que l’on veut rappeler. Une telle acception de la commémoration sous- entend : sincérité, liberté et vérité. Elle met, de plus, au centre de l’exercice la possibilité du débat, voire de la contradiction. Par conséquent, la commémoration est- elle plus à même par la discussion voire la dispute de réconcilier les mémoires ? Pour avoir participé activement à l’une des grandes commémorations nationales – le Centenaire de la Première guerre mondiale- et avoir organisé une exposition dans le haut lieu mémoriel qu’est le Panthéon, ma réponse est négative. La commémoration ne réconcilie pas les mémoires qui sont des îlots spécifiques dans l’écriture de l’Histoire. La mémoire est individuelle et se construit sur les émotions et les sentiments personnels, les petits ou grands traumas intimes. Certes, leur somme constitue la mémoire commune, adossée à l’histoire collective, mais leur reconnaissance et leur intégration, même réussies, ne signifient pas anonymat et dilution dans le récit national. Les mémoires gardent leur autonomie, leur spécificité, leur liberté. Nul ne peut « mettre au pas » les mémoires qui prennent, dans l’Histoire, ce dont elles ont besoin. Parce qu’il faut donner un sens à toute une existence, parce qu’il faut honorer et ne pas oublier ses morts, elles sont peu soucieuses de mettre fin à la guerre qu’elles peuvent parfois entretenir entre elles. Dans toute manifestation collective ou officielle (exposition, commémoration, célébration, colloque …), la mémoire personnelle tout en refusant la révision de l’Histoire interprète les faits et événements comme elle l’entend, édifiant parfois les mythes propres à nourrir l’action. L’universalisation des souffrances est un fantasme. La connaissance du passé est nécessaire pour mieux appréhender le présent, elle le complexifie mais la justice poétique ne peut réparer à elle seule les inégalités et les discriminations contemporaines. Il est nécessaire que le politique s’en empare pour que la douleur s’épuise et devienne intransmissible. La littérature, avocate ou procureure, n’est pas juge d’application des peines. Seul, le politique peut transformer la vie de ceux et de celles qui ont les souvenirs.
    Sylvie Brodziak, "Esclavage, célébration et commémoration, L’archet du colonel de Raphaël Confiant" in " les mémoires  de l’esclavage dans la littérature, les arts et les musées », (dir. Benaouda Lebdai et alii.),  PUR.  (à paraître 2022)

     

     

     

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