• Jean-Michel Blanquer, Ministre de la Rééducation nationale

    Jean-Michel Blanquer, Ministre de la Rééducation nationale

     

    Prolongeant les lois xénophobes sur la Sécurité et sur les « Principes » de la République (le Séparatisme), JM Blanquer annonce un grand de plan de rééducation à la « laïcité » de tous les personnels de tous statuts de l’Éducation nationale et des Collectivités exerçant dans l’enseignement. Il s’agit de quadriller le pays avec 1 000 formateurs de formateurs et des « référents VLR, Valeurs de la République » à tous les niveaux. Ces « référents » et « équipes académiques VLR » ont deux « types de mission » : – auxiliaires de la police pour signaler des élèves et adultes « soupçonnés de radicalisation », et « aider et soutenir » les personnels, dans les conditions qu’on va voir plus loin.

    Le ministre s’appuie sur un rapport qu’il a demandé à l’ancien Inspecteur Général, JL Obin. Ce dernier vient d’être l’invité d’honneur de l’émission de divertissement C-à-vous sur la 5, où il a annoncé que le pays allait à une guerre civile, que le courage du ministre Blanquer allait peut-être permettre d’éviter. Eric Zemmour a de la concurrence.

    Élément de la diversion organisée par les gouvernements depuis des années pour mieux faire passer leurs mesures rétrogrades, JL Obin est connu pour son obsession à instrumentaliser la référence à la laïcité afin de viser la population musulmane ou censée l’être. Pourtant en 2005, le cabinet Fillon lui-même, n’avait pu utiliser un premier rapport Obin sur le même sujet, au vu de la faiblesse de ses données. JM Blanquer semble aujourd’hui, moins exigeant.

    Le point de départ du rapport s’appuie sur l’article 1 du Code de l’Éducation tel qu’il avait été modifié justement par la loi Fillon de 2004, donnant à l’École comme tâche essentielle, non plus la transmission des connaissances mais celle de « faire partager aux élèves les valeurs de la République ».

    Comme l’indique le Dictionnaire historique de la langue française (Editions Robert), chacun peut donner sa définition du mot « valeur » suivant son « jugement personnel », « s’accordant plus ou moins avec le jugement de l’époque. » On peut, par exemple, ne pas partager le « jugement » de l’homme politique François Fillon, auteur de cette loi, sur ce qu’est sa conception des « valeurs de la république »…

    En revanche, on sait ce que sont les connaissances dans les différentes disciplines enseignées à l’École. Mais Monsieur Obin n’aime pas les connaissances disciplinaires. Il s’en prend, dans son rapport, aux professeurs et à « Plusieurs syndicats [qui] sont traditionnellement rétifs à toute évolution du métier vers une prise en charge de l’éducation des élèves… » Il ne supporte pas le statut particulier des professeurs qui fait qu’ « on est historien ou mathématicien avant d’être enseignant de collège ou de lycée. »1

    Prévoyant l’embrigadement des maîtres pour endoctriner les élèves, JL Obin fustige ces professeurs qui n’acceptent toujours pas qu’on substitue à leur indépendance acquise en 1945, «l’ éthique professionnelle, la déontologie et l’esprit de responsabilité de futurs fonctionnaires. »

    Prévoyant une formation continue obligatoire – ce qui est contraire au droit statutaire des fonctionnaires – ainsi qu’une « épreuve » « laïcité et valeurs de la république » dans les concours de recrutement, il redoute « d’éventuelles réticences qui pourraient exister dans des jurys devant une épreuve qui porte en partie sur des connaissances et des compétences non disciplinaires… »

    Auxiliaire de longue date des contre-réformes, il sait de quoi il parle. Il se souvient, sans doute, de la mobilisation des enseignants, en 1984, lorsqu’un certain Louis Legrand qui avait déjà servi tous les ministres de l’Éducation nationale depuis 1959, avait voulu avec Alain Savary, ministre de François Mitterrand, imposer une réforme qui aurait transformé les collèges sur le modèle des écoles privées à caractère propre confessionnel et les professeurs en « tuteurs ».

    Ce Louis Legrand, en 1977, alors même qu’il s’introduisait dans les milieux du CNAL en même temps que la CFDT, résumait, ainsi, la justification de toutes les atteintes à la fois au savoir et à la laïcité : « Il est impossible, rappelons-le, de définir une école neutre, politiquement aseptisé. » Mais la trahison des dirigeants du CNAL n’a pas empêché les laïques de faire échec à la réforme Legrand-Savary.

    La façon dont Blanquer et Macron font de la laïcité une « valeur », tout en foulant au pied son principe institutionnel, les situe dans le droit fil de Louis Legrand et d’Alain Savary. La façon dont les enseignants, les personnels et les jeunes rejettent aujourd’hui avec plusieurs syndicats, les réformes Blanquer souligne le fil de la continuité de la résistance contre la Vème république.

    JL Obin écrit pour justifier son plan : « Une situation qui pose problème si l’on sait que, selon une récente enquête, plus des deux tiers des professeurs les plus jeunes déclarent s’être déjà autocensurés pour éviter des incidents avec certains élèves, contre moins d’un tiers des plus anciens. » Pour JL Obin et JM Blanquer, du fond de leurs bureaux, il est facile d’envoyer les professeurs dans les classes comme s’ils allaient à l’abordage, non pas pour enseigner, mais pour faire « partager » l’idéologie arrêtée par l’État.

    Or, ces « jeunes professeurs » qui paraît-il, « s’autocensurent », ont raison. N’appliquent-ils pas tout simplement ce que disait Jules Ferry dans sa célèbre lettre aux instituteurs du 27 novembre 1883. ; « Vous n’êtes point l’apôtre d’un nouvel Évangile (…) Au moment de proposer aux élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s’il se trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire… »

    La laïcité dans une démocratie interdit mais n’oblige pas. Les enseignants ne sont pas les propagandistes d’une pseudo-laïcité d’État.2 . Quand un Etat ou une Collectivité veut inculquer aux jeunes, aux citoyens, des « valeurs » quelles qu’elles soient, pour instituer des obligations « morales » collectives, il s’engage sur le chemin du totalitarisme. Comme disait Pascal qui n’aimait pas beaucoup les Jésuites : « Qui veut faire l’ange, fait la bête ».

    La « bête » ne passera pas !

    François Chaintron, libre penseur et syndicaliste

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    1. En octobre 1983, nous dit Michel Sérac, dans son livre « Quelle République sauvera l’Ecole républicaine », Savary se fera remettre un Rapport sur les Écoles normales d’instituteurs. M. de La Fournière, socialiste proche de Michel Rocard, y déplorait que les instituteurs refusent d’aller « au-delà de la simple transmission des connaissances. » alors que le « problème fondamental de l’école » était « de savoir ce que la nation veut transmettre à la jeunesse en matière de valeurs communes ». On retrouvait à gauche le même vocabulaire que celui de la droite d’aujourd’hui. JL Obin étant la personnalisation de cette continuité. 

    2. En fait de « valeurs de la république », il faudrait plutôt compter les milliards que la république a déboursés depuis la Loi Debré de 1959 en faveur des écoles privées catholiques qui, elles, bien sûr, sont des exemples de laïcité… 

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